Madame, mitigeuse de tempêtes
Là où par un mail, je dévoile beaucoup de mon approche du BDSM, de la nécessaire humanité qui la compose et de mon éthique vis-à-vis de ceux que je reçois en séance.
Bonjour X,
Je comprends très bien ce que vous exprimez au sujet de notre dernière séance et n’en doutez pas, c’est avec plaisir que je vous recevrai à nouveau. Puisque vous me le demandez, nous voir de manière rapprochée ne me semble pas un problème en soi. Cela pourrait en être un si vous vous sentez « désaligné » ou dans une envie de « toujours plus » qui serait de l’ordre de l’addiction.
La différence est parfois ténue entre l’élan de la découverte, positif et grisant, et le désir obsédant qui fait tourner en boucle. Pour avoir vécu les deux moi-même, avec toutes les passerelles qui vont de l’un à l’autre car nous ne sommes pas des êtres d’un seul tenant, j’arrive à en faire le distinguo à la qualité de sensation que j’éprouve.
Suis-je claire ? Je l’espère, sans en être certaine.
Le fait est, en tout cas, qu’il y a plusieurs façons de répondre à votre mail. Comme j’ignore quelle serait la meilleure, je prendrai celle qui me vient.
Au cours de ma longue expérience BDSM, il m’est plusieurs fois arrivé de vivre, à titre privé comme professionnel des expériences qui m’ont bouleversée, remuée, ouvert des perspectives nouvelles, excitantes et parfois dangereuses, mise par terre ou au ciel – ou les deux en même temps.
ou plus du tout,
ou plus avec la personne qui me les avait fait connaître,
m’était insupportable – tout en sachant bien, au fond, que ce sont souvent les immenses cadeaux qui deviennent les pires tourments, parce que supplices et délices sont tout à fait voisins dans mon cerveau bizarrement branché.
Vous l’aurez compris : la modération et moi ne sommes pas les plus naturelles amies du monde, quand bien même nous avons dû nous apprivoiser pour cheminer ensemble.
– ailleurs dans nos repères habituels d’espace, de temps, de certitudes et de croyances.
– Ailleurs avec un ou une partenaire ; il m’est arrivé de voir des images qui ne m’appartenaient pas, d’entendre des phrases ou des mots précis en séance… peut-être était-ce mon imagination, peut-être pas, il n’empêche que c’est troublant.
– Ailleurs dans les niveaux de conscience : pour moi ce qu’il se passe lors de certaines séances relève du sacré, de la transcendance, voire du mystique.
– Ailleurs en nous-mêmes, comme si une expérience réactivait et faisait se toucher des bouts de nous-mêmes partiellement enfouis.C’est un honneur d’avoir pu vous ouvrir des portes, même si elles ne sont pas des plus simples.
J’approuve également votre idée de laisser du temps passer, un temps de respiration, de tri, de « dépose » tranquille et de retour à une forme de normalité, peut-être cotonneuse mais, je le crois, aussi nécessaire que douce. La dernière chose que je souhaiterais, en tant qu’être humain ou Maîtresse (et les Maîtresses peuvent être humaines, si humaines), serait de foutre le bordel dans votre vie.
Photo de Jinklab.