Le Donjon des Supplidélices

En exclusivité, le 1er chapitre du Donjon des Supplidélices, le livre-jeu conçu avec mon soumis flonflons. Pour la suite, c’est ici !
Le livre existe en version pdf, ebook Kindle et papier.

La bâtisse est devant vous, monumentale. Triple pignon sur rue. Inratable.

Vous imaginiez un immeuble ancien, presque borgne car dédié aux penchants qu’on dit sulfureux, illicites, voire pervers, oubliant que la perversité, tout comme la beauté, est souvent dans l’œil de qui l’observe ? Détrompez-vous. Cette bâtisse qui a aimanté vos pas, ancienne usine de briques rouges rénovée avec faste, écrase ce carrefour du centre-ville.

Sur la façade, un néon clignotant annonce, façon Broadway-piste aux étoiles :

LE DONJON DES SUPPLIDÉLICES

L’émotion vous saisit aux tripes. La peur. L’excitation. L’impression, peut-être, d’un saut dans le vide.

~

Comparée à la débauche de grandeur du donjon, la porte paraît petite. Étriquée, même. Une métaphore créée pour vous (re)mettre à votre place d’anti héro·ïne·s, de soumis·e, de petite chose ? Sans aucun doute. C’est à ce genre de détail que les cartes se distribuent. Ici pas de poker menteur, juste la vérité nue.

~

Une sonnette vous invite à signaler votre présence. Votre index s’en rapproche, tremblant. Il est encore temps de reculer.

Vous ne reculez pas.

DRIIIING !

Vous ne vous attendiez pas à ce volume de sirène de police. Le son vous fait sursauter puis jeter des regards inquiets à la ronde. Les passants vont-ils s’arrêter, vous dévisager, vous juger, se moquer de vous ? Absolument pas. Votre soumission programmée, le monde entier s’en fiche…

~

Un clapet s’ouvre. Un œil inquisiteur, très bleu, apparaît. Vous lui murmurez votre nom.

L’œil cligne. Le clapet se referme. La porte pivote.

Voilà, vous y êtes !

~

Le couloir de l’entrée, séparé du monde profane par une paire de rideaux cramoisis, couleur d’enfer et de délices, est aussi sombre que sinueux. Une autre métaphore ? Sûrement. Vous laissez votre cœur reprendre un rythme normal, vos yeux s’accoutumer à l’obscurité. Vous distinguez une sorte de sas, lieu de transition entre deux univers.

À votre gauche, des cadres ouvragés, surplombés de lettres en métal martelé, si dorées qu’elles vous éblouissent. WALL OF FAME, déchiffrez-vous à grand-peine. Vous vous approchez. C’est une galerie de portraits de femmes, non, de Femmes, de Maîtresses-Femmes qui ont marqué l’histoire de ce Donjon.

À votre droite, une banale rangée de casiers surplombée de lettres grises. WALL OF SHAME, déchiffrez-vous sans difficulté. L’un d’entre eux, le 8, est ouvert. Le vôtre ? Bingo. À l’intérieur, un petit mot rédigé à votre intention :

“Ici déleste-toi de tes affaires et de ton ego.”

~

La sortie du sas est une double porte vitrée opaque, façon miroir sans tain. Vous observe-t-on ? Sans doute. Histoire de paraître à votre avantage, vous vous redressez. Est-ce la bonne attitude ? Pas sûr. Un individu délesté de son encombrant ego n’est-il pas censé courber la tête, les épaules, l’échine ? Et vos bras, qu’en faire ? Les croiser devant ou derrière vous ? Devant, cela peut signifier que vous cherchez à vous protéger ; derrière, que vous les cachez. Les laisser pendre le long de vos cuisses, alors ? Cela ne manquerait-il pas de tenue ?

Debout devant cette porte et peut-être, qui sait, sans personne pour vous inspecter, vous découvrez que bien des soumissions sont des dilemmes, et que bien des dilemmes sont résolus par des Maîtresses.

~

La double porte s’ouvre lentement, au son d’une musique jouée crescendo. La Chevauchée des Walkyries, croyez-vous. Elle ne s’interrompt qu’à l’ouverture maximum, sur un espace parfaitement noir.

Devriez-vous avancer ? Non. Une lumière gicle du ciel en un rond parfait sur Terre. Plein centre, vêtue d’une invraisemblable combinaison disco, une petite dame replète aux allures de professeure de piano. Elle vous scrute, mi-sévère mi-amusée, semblant se demander si vous avez révisé vos gammes, avant de vous accueillir d’une voix parfaitement hypnotique :

– Bienvenue, nouvelle recrue ! Je suis Lady Déliplices, la propriétaire des lieux. Ici, vous avez trois obligations : obéir, connaître le mot d’arrêt ou safeword, « rouge », et vous amuser… ou du moins, essayer, ah ah ah ! D’ailleurs, côté amusement, votre visite ne pouvait pas mieux tomber : j’ai aujourd’hui pour invitées trois Maîtresses exceptionnelles…

À ces mots, une première femme apparaît. Blonde, d’une beauté classique, elle porte rouge à lèvres et vernis, tailleur pied de poule et bottines Louboutin, collier de perles et chignon. Une parfaite bourgeoise qui vous jauge en silence dans un drôle de sourire. À mesure de son examen, le sourire se change en petite moue. De dédain ? D’impatience ? Seule elle le sait, et sa froideur n’invite pas à demander. Elle n’est pas du genre qu’on questionne, vous l’avez compris.

– Madame Mentule, despote en bas nylon, lâche-t-elle d’une voix bien timbrée.

Une deuxième femme surgit en riant. Électrique, comme le bleu de sa courte robe portefeuille, rousse, très, souriante, encore plus, malicieuse, même. Et, détail étrange dans cette antichambre dédiée au raffinement tortionnaire, pieds nus.

– C’est son premier jour chez Nous, dit la Madame en guise d’explication.

– Mistress Abby ! Nice to meet you! lance la jeune femme dans un clin d’œil, avec un charmant accent américain.

Un instant, vous l’imaginez s’avancer pour vous faire la bise. Elle se contente de pouffer comme si elle vous avait joué un bon tour.

C’est alors que surgit une troisième femme, ou plutôt une Créature. Juchée sur des chaussures à plateforme, elle semble immense. Son corps mince est moulé dans une combinaison de latex noir. Son visage est masqué. D’elle vous ne voyez que ce qu’elle daigne vous montrer : ses longues mains aux ongles taillés en griffes ; sa large bouche, rouge intense ; ses yeux noisette, presque jaunes, soulignés de fard et de khôl, qui vous fixent sans ciller.

– Divina Vinyle, dit la Madame.

La Créature incline gracieusement la tête.

– Alors, avec qui voulez-vous jouer ? demande la Madame.

Bonne question, n’est-ce pas ? Et votre réponse, c’est :

✔    La Despote en bas nylon. Allez en 46.

✔    L’Américaine sans chichis. Allez en 52.

✔    La Créature silencieuse. Allez en 31.

Vite, la suite, Madame !

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