Fin de séance.
Il se rhabille mais, à la différence des clients qui se présentent avec des dessous féminins et repartent en les cachant dans leur sac, lui remet les siens. Guêpière, string et porte-jarretelles coordonnés, bas noirs à couture… Ses efforts me touchent pour ce qu’ils révèlent d’attention portée à lui-même, à sa part féminine ainsi qu’à notre rendez-vous. Il est évident qu’il s’est fait beau pour venir me voir.
Alors qu’il enfile ses bas en prenant garde de ne pas les filer, je songe qu’on peut être né homme, avoir une grosse barbe rousse, du ventre, des muscles, des mains calleuses, une délicatesse de jeune fille, et que présenter tous ces traits ensemble vous rend diablement touchant.
Depuis mon poste d’observation, je lance :
– Votre string est mal mis. Il vous gênera sous votre jeans.
– Oh merci, Madame.
Il a un petit geste très féminin, remonter un côté de la dentelle dans une ondulation de bassin.
Avant de partir, il se présente à nouveau devant moi. Jeans bleu et T-shirt noir, ceinture trop serrée, chaussettes tirées sur ses bas, lunettes fines, sac sur le dos, prêt à reprendre son train. Il a les mêmes joues poupines qu’à son arrivée, le visage plus détendu sous ses airs de ne pas y toucher, la même aura d’ingénieur informatique-geek auquel on laisserait la voiture, les clés de la voiture et la place de parking.
– How do I look ? interroge-t-il en souriant, dans une parodie de garde-à-vous.
– Au-dessus de tout soupçon, mais je connais vos mauvaises pensées.
Il s’esclaffe.
Une fois à la porte il me sourit encore, de malice et de gratitude. Ses yeux frisent derrière ses lunettes. Lui seul sait que sous ma robe bleu nuit, au drapé si chic avec sa broche dorée, mon soutien-gorge est trempé de sueur, mes bas de champagne, ma culotte de mouille et mes cuisses du lubrifiant que j’ai utilisé pour l’enculer jusqu’à la garde.
Au-dessus de tout soupçon moi aussi.
Nous nous saluons comme deux malfaiteurs ravis de leur bon coup.
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