Rencontre nocturne entre deux inconnus
Quand mon soumis flonflons, nom choisi par moi, n’était encore que faflon, nom choisi par lui.
Première séance en prélude à notre relation D/s.
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Madame,
Au petit matin, dans la cour de cette ancienne caserne de pompiers transformée en hôtel, en plein Paris et pourtant épargnée par les bruits de la ville, un merle chantait. Je n’ai pas dormi.
Hier soir, dans le miroir, j’ai contemplé longuement les traces de vos dents sur mes bras, mon torse. Elles s’estompent déjà, tout comme les fines zébrures de votre petite salope sur mon dos. Une légère douleur subsiste au passage de la main. Tout n’est qu’impermanence, si l’on en croit la philosophie bouddhiste.
J’ai grandement apprécié tout ce que vous (m’)avez fait. Comme je vous l’évoquais « à chaud », je dois aimer avoir mal plus que je ne l’aurais pensé, première découverte de notre séance. Vous pourrez pousser les choses plus loin la prochaine fois !
La première partie de nos jeux, espiègle et ludique a, je trouve, créé une alchimie et une complicité que j’ai adorées. Votre rire me transporte, votre moue me ravit.
Les sensations les plus fortes sont néanmoins apparues dans la deuxième partie de séance. Je ne crois pas avoir éprouvé auparavant une telle impression d’impuissance. Vos mains, le poids de votre corps sur ma poitrine, vos cuisses enserrant mon torse… C’était assez intense, vous m’avez presque poussé à la reddition.
Les petits objets vibrants se sont un peu fait oublier derrière ces jeux de respiration, et j’ai à peine senti quand vous vous êtes soulagée sur moi. Surcharge cognitive !
Je vous remercie de ne pas m’avoir ménagé. Je crois que j’étais un peu parti, prêt à me livrer à une nouvelle série de coups de langue de dragon, de chatouilles ou de falaka. Est-ce cela que l’on appelle subspace ? D’ailleurs, en parlant de falaka, j’ai aimé la manière dont vous avez attaché et brièvement tourmenté mes pieds. Un potentiel de ce côté aussi ?
J’ai été enchanté par la longue discussion qui a suivi nos jeux. Discussion autour de ce petit monde BDSM sulfureux et riche, et bien sûr très sérieux ;-). Discussion au cours de laquelle nous avons fugacement évoqué des instants de nos vie passées ou présentes, juste assez pour faire un peu plus connaissance, juste assez pour ne pas briser le mystère de cette rencontre nocturne entre deux inconnus, pour quelques heures en marge de ce monde du dehors si engoncé dans son hypocrisie. Je vous remercie infiniment pour ce moment. Je suis profondément admiratif face au courage nécessaire pour s’engager dans votre métier.
Je ne sais pas si je suis masochiste, soumis, en recherche d’abandon ou tout à la fois. Est-il pour autant indispensable de céder à cette obsession humaine des typologies, taxonomies et autres classements ? Quoi qu’il en soit, je ne sais toujours pas précisément ce que je cherche, et pourtant j’ai le sentiment diffus d’avoir trouvé quelque chose dans votre boudoir.
Je termine ce courrier dans le train ; je suis assis dos à la marche. C’est ce que je préfère : voir d’où l’on part, sans voir où l’on va. Seuls restent les souvenirs, bons ou mauvais, qui nous construisent, d’une gare à l’autre. En neurobiologie, on parle parfois d’engrammes mémoriels : connexions synaptiques figées à jamais dans notre cortex, un mot froid comme la science sait si bien les créer pour décrire la matérialisation physique dans notre psyché de ces routes empruntées. La destination est finalement sans importance, seul compte le voyage, et je vous laisse volontiers les rênes en complément de la chambrière, si vous le voulez bien.