Entre le passé, le présent et l’imaginaire

Quand je suis entré et que je vous ai vue dans votre catsuit de vinyle noire et vos cuissardes vernies, je me suis dit que quelque chose d’inhabituel allait se produire. Puis je me suis dit que, finalement, ce ne serait pas si différent des autres fois ! Quelque chose d’inhabituel se produit toujours ! 

J’ai pris pour habitude de m’astreindre à ne plus anticiper pour rester ouvert à ce que vous allez proposer. A quoi bon anticiper sur ce qui va se passer puisque vous mettrez un point d’honneur à me prendre à contre pied et à m’amener sur des terrains encore plus merveilleux ?

Cette tenue, éloignée de votre univers habituel, vous va remarquablement bien. 

Vous l’avez utilisé pour m’entraîner, une question après l’autre, vers les origines de mes envies d’enfermement.  Oh ! je vous ai vue venir et je me suis laissé aller avec plaisir. 

Allongé en tenue de Marthe, une chaîne autour des poignets. Allongée, donc.

Touche après touche, vous m’avez fait replonger aux racines dont j’estime qu’elle m’ont conduites à avoir les désirs que j’ai aujourd’hui. 

Et j’ai plongé. 

Des sensations réelles.

Votre voix, votre contact, votre souffle.

Les sons de la rue, des voisins, de la pièce, le craquement du vinyl, le tintement des chaînes. 

L’absence de musique. 

Le silence parfois.

Les parfums de la pièce, des bougies, votre parfum, celui du cuir.

La contrainte physique des cordes, des menottes, des ceintures, du bandeau, du bâillon. 

Le contact du nylon sur mes jambes.

Le poids des chaînes sur mon corps.

Des souvenirs de sensations passées. 

La lueur de la lampe verte.

La rugosité de la moquette de ma chambre. 

Le craquement de l’osier de mon lit. 

Le claquement du tuyau de chauffage. 

Le parfum métallique de la chaîne.

Le frisson de la nudité.

Et le mélange des deux.

L’air sur ma peau aussi doux qu’hier.

Le poids de la chaîne, similaire à celui de mes souvenirs.

La tension des contraintes inéluctables telles que je les rêvais dans ces moments.

Le bruit de vos pas faisant écho à ceux de mon amie de l’époque, si directive dans nos jeux d’enfants.

Ce film, dans ma tête, qui va et vient entre le passé, le présent et l’imaginaire, toujours enfermé, contraint, peut être un peu honteux. Mais toujours si doux. 

La musique du plaisir. Un bond de plus de quarante ans en arrière. La musique du retour au présent.

J’ai pleuré longtemps quand je suis revenu en 2025 et les larmes sont encore très proches une semaine après quand j’écris ces lignes. 

Ce sont des larmes de joie. Celle d’avoir pu revivre des moments si doux. 

Ces moments ne s’étaient pas échappés de ma mémoire. Je les considère à tort ou à raison comme fondateurs de ma sexualité d’adulte.  Mais les revivre avec autant d’intensité, les compléter de sensations actuelles, bien réelles et imaginer ce moi de neuf ans confronté à la réalisation de ses rêves les plus fous, je n’aurais pas cru ça possible. 

On dit parfois que lorsque l’on ne sait plus où l’on va, il est bon de se souvenir d’où l’on vient. 

Je ne regrette pas les décisions concernant ma sexualité que j’ai prises pendant ces plus de quarante années.  L’ensemble de ces décisions m’ont conduit à prendre le risque de vous rencontrer il y a trois ans. 

Le voyage que vous m’offrez est somptueux.