1334 pas

Un jour, en me rendant sur La Férule, j’ai lu une des tâches du Malendrier qui s’intitulait “Froides Brûlures”. Cette tâche consistait à marcher sur une distance d’au moins 30 mètres avec des capsules dentées sous la paume des pieds. Lorsque je l’ai lu, je me suis dit que cela pourrait être une excellente idée pour découvrir une autre facette du masochisme que je n’avais pas encore essayée jusqu’à ce jour.

Après plusieurs semaines de réflexion, j’ai décidé de la réaliser le soir même en me rendant à la laverie. Avant de quitter mon appartement, j’ai soigneusement placé cinq capsules sous mes pieds en les maintenant avec mes chaussettes. J’ai ensuite enfilé mes chaussures et dès que je me suis levé, j’ai immédiatement ressenti une sensation de piqûre sous la plante des pieds. En faisant mes premiers pas, je me suis tout de suite rendu compte de la difficulté de la tâche.

Après avoir fermé la porte de mon appartement, j’ai été confronté à un premier obstacle : les marches de l’escalier. Ce passage habituellement banal est devenu bien plus complexe avec cette contrainte.
À chaque marche, sous l’effet de la pesanteur, la sensation des capsules sous mes pieds s’intensifiait, surtout quand mon poids reposait sur un seul pied.
En arrivant au rez-de-chaussée, je me suis dit que cette tâche n’allait pas être si facile. 
En quittant mon immeuble, il a fallu que je marche pendant plus de cinq minutes pour rejoindre ma voiture. Je marchais dans la rue comme si de rien n’était, le plus normalement possible sans attirer l’attention des gens.
Au bout de quelques foulées, un nouvel obstacle se dressa devant moi : un passage piéton. Bien évidemment, moi et la chance ça fait deux et comme par hasard, le bonhomme vert passe au rouge sous mes yeux. Ce moment d’attente, qui aurait dû être anodin, se transforma en un supplice. Chaque seconde qui s’écoulait semblait interminable, et je sentais une douleur lancinante s’intensifier, comme si ma peau s’enfonçait millimètre par millimètre.
Après ce qui me parut une éternité, le feu passa enfin au vert. Soulagé, je repris ma route, chaque pas me rapprochant un peu plus de ma voiture. En m’asseyant dans ma voiture, je poussai un long soupir de soulagement.

Le trajet jusqu’à la laverie se déroula sans encombre, sans douleur, et je me garai juste devant. À peine sorti de la voiture, les premières douleurs se firent sentir. J’entrai dans la laverie, récupérai mes affaires et retournai à ma voiture en essayant de paraître le plus normal possible malgré une douleur croissante.
Sur le chemin du retour, je me garai à la même place. Je réalisai alors que les cinq prochaines minutes allaient être particulièrement éprouvantes. En sortant de la voiture sous une pleine ombre hivernale, je pris mes affaires et me dirigeai vers mon appartement.
Dès les premiers pas, je ressentis immédiatement l’effet des capsules, une sensation qui s’intensifiait à chaque foulée. Pour atténuer la douleur au niveau du métatarse devenue très sensible, je décidai de marcher sur la pointe des pieds à l’abri des regards mais cette stratégie avait une répercussion sur la plante des pieds qui subissait davantage de contraintes.
Je respirais profondément pour tenter de soulager la douleur sans attirer l’attention, bien que la rue soit presque déserte. J’arrivai de nouveau à ce fameux passage piéton avec une frustration parce que le bonhomme était une nouvelle fois rouge. Ces quelques secondes d’attente me semblaient sans fin, amplifiant mon inconfort et mon impatience. La douleur et le froid combinés rendaient cette attente particulièrement cruelle.
En arrivant devant l’immeuble, je me rendais compte qu’il fallait que je gravisse les marches jusqu’à mon appartement. Ces dernières secondes furent très très douloureuses.
En rentrant dans mon appartement, je m’assis et retirai mes chaussures, mes chaussettes et les capsules ancrées dans ma peau. Ce fut une tâche très intense, qui m’a permis d’explorer une nouvelle facette du masochisme, mais aussi de tester mes limites physiques et mentales.

Lorsque j’ai réalisé cette tâche, j’ai installé une application sur mon téléphone qui compte mes pas afin d’avoir une idée approximative de la distance parcourue. Selon l’application, j’aurais effectué 1334 pas soit 933 mètres.

Témoignage du très courageux K. !