Envahi par la honte

Chère Madame,

nous voici à l’avant-veille de notre rendez-vous. Enfin ! Une si longue attente pour une frustration décuplée. Depuis notre dernier échange, j’ai observé une totale abstinence dans l’espoir qu’une telle contrainte vous ravirait. Vous savez mieux que quiconque dans quel état de dépendance et d’obéissance cela me met. Et surtout, quel meilleur aiguillon pour l’imagination !

J’entends déjà grincer la lame de parquet sur votre palier qui trahira ma présence. Je devine alors votre présence derrière la porte. Vos pas qui s’affairent pour régler un dernier détail ou bien peut-être me faire languir quelques secondes supplémentaires. J’aime lorsque votre perfectionnisme s’exerce à mon insu. Puis enfin, le bruit sec du verrou qui me fait encore tressaillir.
Comment puis-je être surpris par quelque chose que je ne fais qu’attendre de tout mon être ?
Pourtant, c’est ainsi. Je m’avance ensuite de quelques pas dans l’entrée. Comme un adolescent, je n’ose croiser votre regard, malgré votre sourire accueillant. Votre prestance m’intimide au point que je me demande toujours comment ai-je pu mériter votre grâce. Comment serez-vous habillée ? De l’une de ces robes élégantes qui vous vont si bien ?
D’un peignoir de soie négligemment ajusté ?
D’un chemisier discrètement échancré dont l’image restera gravé dans ma mémoire pendant des semaines après la séance ?
Dans une tenue altière d’écuyère émérite que vous êtes ?
Peu importe finalement, même vêtue d’une robe de bure, je crois que votre pouvoir sur moi n’en serait pas altéré.

Alors que je baisse les yeux, je sens que vous me jaugez de la tête aux pieds jusqu’à me mettre mal à l’aise. Vous vous amusez à deviner quels dessous ai-je bien pu mettre sous mes airs sages jusqu’à fixer mon pantalon déformé.
Je vous entends alors vous dire dans votre tête : « Comment a-t-il fait pour affronter le regard des passants ? C’est tellement évident qu’il porte une cage ! Il n’est pas assez naïf pour imaginer que la protubérance est suffisamment discrète, alors qu’elle se voit pas comme le nez au milieu du visage ! « .La prise de risque est le premier témoignage de mon allégeance.

A cet instant je suis déjà pris dans vos rêts, inutile de se débattre. Vous tendre mon présent m’aide à trouver une contenance. Rester debout, m’agenouiller, vous embrasser les pieds, je ne sais quoi faire à cet instant, mais vous trouvez toujours les mots pour que je trouve la contenance suffisante pour rallier la salle de bain.

Puis, encore une porte, la dernière cette fois. Me présenter à vous avec toujours cette hésitation : me voulez-vous impeccable d’un point de vue des normes sociales ou bien déjà totalement indécent pour vous témoigner déjà mon appartenance ?
Qu’importe puisque je ne contrôle plus rien, pas même cet écoulement qui perle de ma cage. Dilemme encore (que voulez-vous le soumis est traversé de multiples tergiversations) lorsque vous me tendez un mouchoir en papier : je ne sais dire ce qui l’emporte, le soulagement de trouver une solution à mon embarras ou bien l’humiliation de n’avoir pas trouvé seul un moyen de stopper le produit dérisoire de mon excitation. Plus je suis envahi par la honte, plus l’excitation monte, plus le Kleenex s’imbibe.
A cet instant je voudrais me cacher dans un trou de souris.

/…/
A mardi Madame.

Votre dévoué.

Témoignage d’E.

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